22/01/2020
Senta Simond et les ostentations discrètes
Le premier livre de la jeune photographe suisse Senta Simond "Rayon Vert" publié par Kominek en 2018, a été un succès critique et commercial. Son travail donne lieu en ce début d'année à sa première exposition américaine. L'artiste se concentre sur une approche intime du corps féminin. En lien avec ses modèles la photographe crée un monde plus sensuel que sexuel. Elle élimine le regard voyeuriste.
L'objectif est de suggérer divers sentiments chez ses modèles avec lesquelles elle travaille parfois depuis 10 ans. Elles sont choisies parce que Senta Simond trouve en elle "quelque chose d’intrigant dans leur caractère, leur attitude, quelque chose de fort et de doux en même temps. Il y a quelque chose de très spécifique qui me fascine, ce que je trouve généralement chez les femmes." écrit-elle.
Les photos sont prises afin de porter toute l'attention sur le modèle avec de simples arrière-plans en effacement. C'est là une manière essentielle pour se rapprocher du sujet afin de capter des moments subtils et intimes. Pas étonnant dès lors que celle qui a étudié l’esthétique et la théorie du cinéma à l’Université de Lausanne et a obtenu un Master en Photographie à l’ECAL est déjà une créatrice d'envergure internationale.
Jean-Paul Gavard-Perret
Senta Simond, "Exposition", Danziger Gallery, 980 Madison Avenue, New York, du 23 janvier au 29 février 2020.
10:59 Publié dans Femmes, Images, Suisse, Vaud | Lien permanent | Commentaires (0)
Angèle Casanova : le sel de la terre
La solitude n'a besoin du désert pour trouver son plus juste miroir : la ville fait suffisamment l'affaire. D'où cette suite de tableaux parisiens où la douleur de bien des femmes refait surface. Pour autant Angèle Casanova ne fait pas dans le pathos. Tout passe par le topos du quotidien entre chaos et oeuf mimosa et ce paradoxal éloge du secret livré pour tenir tant que faire se peut.
En des suites de dérives la créatrice se dédouble comme le font ses "héroïnes" pour se sentir exister avec quelqu'un en elles qui n'est pas l'autre mais celle qu'elles ne peuvent contenir. Et si une force dépasse l'instinct de destruction néanmoins la lassitude est grande. Pas de nostalgie pour autant car ce serait une illusion d'optique. Il se peut qu'un jour de telles femmes s'envolent pour des terres lointaines. C'est ce que voudrait croire Cauda qui pour illustrer ce livre se fait grave. Il quitte un certain empressement et jovialité et pratique le recueillement. Car la douleur ne se marchande au carnaval des joyeusetés.
Ce n'est ni le néant ni l'absolu qui s'atteignent ici mais l'invitation à rester somnambule par la vertu d'un certain ennui d'entre les murs ou dans les rues au bas duquel rampe un filet d'eau de pluie en ce qu'on ose nommer rigole... Y glougloute l'appel étouffé du chemin à parcourir sans compter les heures. Il faut se prêter à cette seule liberté humaine dans l'indifférence des pierres douces comme des asphodèles. Il faut aussi apprendre à patienter. Jusqu'à la terre qui nous est donnée. Ou celle que l'on se donne et qu'il s'agit de creuser.
Jean-Paul Gavard-Perret
Angele Casanova "Terre Creuse", illustration de Jacques Cauda, Z4 editions, 110 p., 14 E., 2020.
10:47 Publié dans Femmes, Lettres, Résistance | Lien permanent | Commentaires (1)
19/01/2020
Mariette chamane et cat-woman

Pour autant Mariette ne se prend pas pour une démiurge . Elle taquine le sacré et sa relique avec fantaisie mais sans flagornerie au nom d'une scansion vitale : l’inerte est remplacé par le vivant dans la justesse de tangage que l'artiste lui attribue. Son travail de fourmi mais aussi de cigale va et vient pour transformer les vanités classiques en monstres opérationnels.
Des anges coulent des pampres et ceux-là deviennent des cornes d’abondance. S’y traduit le mélange des genres au sein de morceaux décomposés, renoués, tordus, enchevêtrés. La fantaisie visuelle propose des anamorphoses poétiques inédites. Et Mariette réinvente à sa main des hauts lieux de l’imaginaire. Il perce le réel tout en déployant ludiquement l’effacement de tout but étroitement religieux. L’art se réinvente par harnachements et rébus d'une virtuosité exceptionnelle là où tout reste en vibration, commotion, chocs, braises et brandons magiques.
Jean-Paul Gavard-Perret
Mariette "Substances d'immortalité", Bibliothèque Jules Vernes, 7éme biennale des z'arts singuliers et innovant, Saint Etienne, février 2020. Et voir le site de l'artiste
16:49 Publié dans Femmes, France, Images, Suisse | Lien permanent | Commentaires (1)