26/02/2015
Marie Boucheteil : l’art au poil - Aperti 2015
Marie Boucheteil, Aperti 2015 - ouverture des ateliers d'artistes à Lausanne, 21 et 22 mars 2015
Dans ses dessins Marie Boucheteil met en scène des personnages diaboliques et des plantes monstrueuses et vénéneuses soigneusement grimés sous des aspects drôles et (plus ou moins) inoffensifs. Influencée par toute une iconographie underground mais sachant aussi caresser parfois une touche de romantisme l’artiste cultive tout duvet dans le sens du poil. En violation des règles esthéticiennes actuelles du « bon » goût qui impose l’épilation, l’artiste reste dans le monde de « freaks » qui ne se rasent pas mais ne barbent jamais.
En des images de cours des miracles, des personnages et végétaux hybrides se baladent ou errent. L’atmosphère semble sortie d’un autre monde. Pourtant au sein de cette ménagerie hirsute rôdent nos semblables, nos frères et sœurs. Charnels et poilus tout autant que mystiques la faune humaine et la flore ébouriffée permettent des transfuges de la Belle à la Bête et vice-versa. Faisant toujours l’impasse dans son expressionnisme - en rien abstrait - sur ses propres joies, peines, repères, Marie Boucheteil opte pour un réservoir ironique, onirique et/ou cauchemardesque. Le tout pour le plus grand plaisir du regardeur. Pas question pour autant de se rincer l’œil. La plasticienne montre comment détrôner les images-clichées selon différentes chimères où la pilosité devient le squelette de l’être et sa chair.
Jean- Paul Gavard-Perret
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25/02/2015
Aperti 2015. Anne Pantillon : les accomplissements paradoxaux
Anne Pantillon, Aperti 2015 -| ouverture des ateliers d'artistes à Lausanne | 21 et 22 mars 2015
Anne Pantilon ne cesse d’ouvrir la caverne platonicienne afin d’y faire entrer le jour. La toile devient un drap mais sur lequel une avalanche de couleurs se répand par fragments, grappes, coulures, ravinements, effets de plans et de reliefs. La densité se fait de plus en plus profonde mais non sans fluidité. Le moindre escarpement n'est plus ombre. Se découvre une lumière qui revient progressivement. Tous les trajets de l’artiste sont là pour faire qu’elle remplisse par strates l’espace. S’inventent peu à peu des noces d'aube : la peinture reste en son lieu (la toile) mais l’artiste y introduit l'impénétrable sourire du monde.
Il est fait de falaises aux « bruissements » soyeux d’où émane un émoi particulier. Anne Pantillon reste fidèle à un art de rupture (donc rupestre) qui ne renonce jamais à investir un étrange cours de l’art afin de le déranger et montrer encore et toujours de l’invisible. Cette peinture chargée de précipités épouse le mouvement. Le monde y résiste à l’effacement et il échappe au temps. Sur la peau "lavée" des œuvres apparaissent les pentes de cratère, des coulures par paliers. Chaque œuvre cerne un suspens, ébauche quelque chose qui attend qui arrive comme si par la peinture surgissaient des idées de "derrière la tête".
Jean-Paul Gavard-Perret
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22/02/2015
Karin Handlbauer galeriste expérimentale
Galerie Mezzanin Geneva, Karin Handlbauer, 63, rue des Maraîchers, Genève, actuellement : Christopher Willams, “The Production Line of Happiness”.
Défendre l'art est un acte militant. Il faut avoir un "gros" cœur mais aussi une curiosité et un regard "intelligent". Karin Handlbauer les possède. Elle sait trouver en Suisse mais aussi en Europe et au-delà du continent des œuvres qui font bouger les lignes. Dans un monde de l'art atteint par la gangrène de la consommation à outrance, l’accumulation et la violence la directrice de la galerie Mezzanin fait partager une vision de la recherche formelle qui ne détricote pas la beauté au profit d'une simple déconstruction-panacée. L'américain Christopher Willians qu'elle expose actuellement le prouve. Son œuvre relie un certain Pop-Art à une forme d’Art Conceptuel mais outrepasse de tels clivages comme le font les œuvres d'autres artistes que Karin Handlauer défend : Christina Zurfluh et ses labyrinthes, Maureen Kaegi et ses montages dessinés propices du meilleur "change" à la réalité.
La galeriste n’est jamais prise au piège de l'esthétisme qui ne retient que le geste critique au détriment d'un apport plastique réellement neuf. C'est pourquoi les artistes qu'elle illustre, en liant les deux approches dans un postmodernisme du plus conséquent, risquent d'être rapidement récupérés par le système de représentation "main street" et les musées du monde entier. Mais Karin Handlbauer n'en a cure. Et tant mieux si les œuvres qu'elle défend reçoivent succès commercial : elles le méritent. La galeriste aussi. Elle use le meilleur de son énergie pour résister aux tendances du temps afin de "dériver" avec acharnement vers des œuvres qui cultivent un flux plus qu'un reflux. Elle prouve qu'être galeriste est affaire de courage et de professionnalisme. Il ne s'acquiert qu'au fil du temps mais réclame aussi un sens inné de l'anticipation. La vocation de la directrice de Mezzanin est de savoir ce qui se fait afin de « proposer-voir » l'ailleurs d'un devenir en "suspens" et de défendre celles et ceux qui prennent le relais du futur en enrichissant l'imaginaire.
Jean-Paul Gavard-Perret
15:53 Publié dans Femmes, Genève, Images | Lien permanent | Commentaires (0)