08/11/2015
Kazuko Miyamoto à Lausanne : la musique du sourd
Kazuko Miyamoto, Une proposition de Matthieu Poirier, du 14 novembre au 19 décembre 2015, Circuit, Centre d’art contemporain, Lausanne
Depuis les années 70 les installations-dessins-sculptures de Kazuko Miyamoto créent des systèmes organiques, des topologies qui au lieu de mesurer et de cadrer l’espace créent des labyrinthes optiques nimbés de douceur. La Japonaise vit dans le Lower East Side de Manhattan où elle poursuit dans sa galerie (« Onetwentyeight ») l’invention de structures qui s’éloignent de plus en plus du géométrisme pour l’émergence d’abîmes en érection. Ses systèmes de fils tendus à travers l’espace construisent des aires sensorielles et spatiales qui cassent la verticalité des murs et l’horizontalité des sols.
Après son arrivée à New-York elle fut l’assistante de Sol Lewitt avec lequel elle partagea un atelier à Soho. Comme pour lui son importance est grande dans la diffusion du minimalisme, de la destruction du cadre et de la redéfinition autant des supports que des surfaces. Moins agressif que le langage de Sol Lewitt, celui de Miyamoto propose des structures précises, poétiques, éthérées. Avec le plus extrême soin l’artiste élabore un univers d’une part austère et géométrique, d’autre part diaphane et poétique. Les imbrications de fils "cadrent" divers types de trames. Elles subvertissent le formalisme traditionnel. L’impression première de répétitions instruit de fait de multiples variations. Par leurs jeux elles rendent lisible l’espace afin que jaillisse la plus magique musique du sourd.
Jean-Paul Gavard-Perret
09:36 Publié dans Femmes, Images, Suisse, Vaud | Lien permanent | Commentaires (0)
04/11/2015
Caroline Corbasson et l’énigme du monde
Caroline Corbasson, « Empty Pixels », 3 novembre - 11 décembre 2015, Galerie Laurence Bernard, Genève.
Caroline Corbasson observe le monde et ses représentations pour les métamorphoser sous formes d’énigme - parfois ironique comme son globe terrestre « aveugle ». Pour sa première exposition en Suisse chez son galeriste, à travers différents médiums, elle fait de ses images des belles de nuit même si l’artiste renonce à tout effet d’ornementation. Monteuse, montreuse et compositrice elle atteint un équilibre ou une tension entre force et fragilité pour atteindre l’indicible. Si bien que les œuvres restent à l’état d’énigme entre austérité et étincelle. Mais l’artiste est surtout capable de faire parler le silence. Avec elle l’image la plus simple n’est jamais simple. Elle répond à la formule de Nietzsche: « La beauté est une flèche lente ».
L’œuvre est donc une histoire de trajectoire qui utilise la construction, les méandres, la sinuosité. Le silence de l’image tient au fait qu’elle n’admet, selon la créatrice, d’autre commentaire qu’elle-même. Existe donc bien un art du silence. Certes on ne peut pas dire qu’une œuvre plastique est muette. Mais du jour où une artiste en prend conscience elle ne peut plus se débarrasser de l’idée que ses travaux en sont marqués d’une façon indélébile. Dès lors plutôt que de gloser sur la montée des circonstances de l’image Caroline Corbasson ose s’abandonner à son silence sans fond pour le faire résonner.
Jean-Paul Gavard-Perret
11:27 Publié dans Femmes, Genève, Images, Suisse | Lien permanent | Commentaires (0)
01/11/2015
Révision générale : Carly Steinbrunn
Carly Steinbrunn, “Voyage of Discovery”, Mack Editions, 96 p., 30 E., 2015.
A partir de clichés d’archives et de ses propres travaux Carly Steinbrunn arpente le réel ou plutôt ses représentations. L’artiste montre combien il est traduit et surtout trahi. Elle présente de manière plastique une problématique développée en littérature un Borgès ou un Malcolm de Chazal. L’artiste provoque clash et crash aux seins de ses jeux optiques. Des gains poétiques sont assurés comme sont remis à zéro une certaine facticité des savoirs et des sciences. Par sa suite de photographies le livre se veut les prémices d’un propos qui serait monstrueux tant il pourrait embrasser toute l’histoire de la photographie.
Ne se révèle ici – et forcément - qu’une partie du territoire des équivoques. S’y traite l’histoire « imageante » voire parfois imaginaire qui unit le médium aux altérations des éléments premiers (mer, terre, air). Loin des fastes la photographie se veut « essentialiste » afin de tordre le cou aux idées et idéologies apprises. La connaissance de l’univers avance par des pas de côtés. Ils mesurent notre planète sous des angles imprévus macro ou micro cosmiques.
Ils laissent aussi filtrer un réel plus profond que l’apparence. La suite ainsi conçue transforme l’apparence par entropie nouvelle et permet au regard de sortir de sa prison mentale là où la créatrice lâche l’apparence pour une obscure clarté.
Jean-Paul Gavard-Perret
10:40 Publié dans Culture, Femmes, Images, Suisse | Lien permanent | Commentaires (0)