27/08/2018
Alison Bignon et les quatre saisons
La peinture d’Alison Bignon est soumise à une force, une contrainte : le silence en fait partie. Il se »dit » par les blancs où la création s’envole. Elle est fondatrice d’un univers discret, indicible, envoutant. Exit le fracas des désastres. Jaillit ce qu’on ne soupçonnait pas. C’est pourquoi peindre revient à franchir des espaces afin d’atteindre un monde féminin et cosmique entre macro et microcosme.
Le flux se répand sous forme de traces et d’épures en équilibre dans le vide pour « soigner » les relations complexes que les formes- comme les êtres humains-entretiennent entre elles. Alison Bignon crée un cycle précieux de vitalités, de sensations. La poésie de l’espace mue dans les promesses d’un partage que l’espace (le silence) retient. Ce langage plastique donne une puissance d’apparition, un champ de tension et de bifurcation vers la reconstruction d’une typologie de l’écoute, du regard.
Nous sortons de la langue des morts pour une physique du corps là où le vide et ce qui l’habite deviennent des amants dans toute la profondeur temporelle en un espace commun. Existe, grâce au printemps de l’artiste, des formes toujours à accomplir, en devenir pour autant totalement abouties. L’espace reste toujours en recréation même lorsque passant de l’été à l’automne l’œuvre offre des fruits mûrs. Même en hiver ils ne tombent pas où - s’ils chutent - c’est à la façon des amants lorsqu’on dit qu’ils tombent amoureux.
Jean-Paul Gavard-Perret
Alison Bignon, « Autumn Killed the Summer », Catalogue, 2018. Voir le site de l’artiste.
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26/08/2018
Cécile Mainard/i l’effeuillée rose
Pour Cécile Mainard/i les mots coulissent et se répartissent sur la profondeur d’une scène dérobée. L’intensité de l’attente des spectateurs lecteurs fait le reste : ils éprouvent des sensations qu’ailleurs ils auraient jugées inopinées.
La langue est donc soumise à une force particulière et une contrainte. Celles du son. Le silence en fait partie. Car le langage est habité de pauses, d’un se taire fixateur, initiateur, fondateur : celui qu’on laisse aux morts ou aux autres. Et l’auteur à travers diverses références littéraires, artistiques et de couleurs de se demander qui d’entre eux nous parlent le plus ?
Pour elle la poésie sonore permet des découvertes au-delà du sens Jaillit ce qu’on ne soupçonnait pas. C’est pourquoi dire c’est franchir des seuils afin d’atteindre les creux et les failles féminines et cosmiques. C’est créer la structuration d’un collectif qui amplifie le « je ». Il s’y pluralise, il re-contextualise le flux continu (renouvelé) d’une parole qui plutôt que de finir advient, se plaçant au bord, en déséquilibre, dans une visée orale (et son plaisir) afin d’effacer les relations complexes qui dissonent et consonent en des situations de négations et de confrontation.
Jean-Paul Gavard-Perret
Cécile Mainard/i, « Le degré rose de l’écriture », Collection ekphrasis, 2018, 56 p., 7 €
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24/08/2018
Anna Zemella : partages intimes au cœur des villes
Anna Zemella fait de ses photos des sortes de déambulations qui ne sont pas seulement géographiques. Elle ouvre sur l’intériorité de l’artiste et sa mémoire souterraine (et non plus anecdotique ). Jouent donc à plein des lieux de partage au cœur de l’intime. La photographe crée contre tout ce qui sépare. Elle cultive pour cela une certaine contention même si l’émulsion du monde sous diverses formes reste présente.
Les images reflètent un soleil noir face à un azur idéal dans un temps qui s’enfle ou se rétracte suivant les moments : Le mystère de l’existence est là comme celui de la ville (Venise en particulier souvent saccagé par les touristes).
L’artiste ouvre un équilibre entre paysages du dehors et de dedans - quels que soient ces dehors et ces dedans. Anna Zemella se fait gardienne d’une vérité d’autant plus forte que chez elle la beauté n’est jamais vierge et pure. Elle est parfois une noire sœur qui caresse. Elle est aussi de chair. Si bien que le retour de l’amour - mais est-il jamais parti ? - et quel que soit son « objet » est aussi mental que physique. Il reprend toute sa réalité jusque dans le cœur des villes.
Jean-Paul Gavard-Perret
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