20/11/2020
Hélène Becquelin : No future et après
Hélène Becquelin, "1979", Editions Antipodes, Lausanne, 2020, 159 pages, 22€
Graphiste et illustratrice suisse, originaire du Valais, Hélène Becquelin vit et travaille à Lausanne. Après y avoir obtenu son diplôme de graphiste à l'Ecole d'Art, elle a pratiqué son métier plusieurs années dans diverses agences de publicité. Puis elle est devenue graphiste et illustratrice indépendante. Elle a réalisé cartes de vœux, faire-part, dessins de presse, affiches et flyers pour plusieurs musées. Son blog "BD Angry Mum", lui a permis de se remettre à la bande dessinée.
Dans "Adieu les enfants" et en 2 tomes elle a évoqué précédemment ses souvenirs d’enfance autour d’anecdotes tirées de sa vie de famille puis dans ses relations avec les copains d’école et du voisinage, les pique-niques en famille, ses vacances, les diverses processions religieuses qui rythmaient l’année dans sa petite ville du Bas-Valais. Le tout avec tendresse et humour dans un style qui chevauche roman graphique et bande dessinée.
Ce nouvel ouvrage lui permet de quitter l'enfance pour évoquer son adolescence. Il devient plus piquant que les deux autres. Nous sommes à la fin des 70'. Hélène Becquelin se dépeint comme une solitaire décalée par rapport à son entourage. Le punk va soudain bouleverser sa vie : c'est le début de voyages qui vont lui "sauver" la vie. Son livre donne une approche féminine, féministe et distanciée des horizons du milieu rock en Suisse romande de telles années. Lausanne est en effervescence et n'a rien à envier aux autres cités d'Europe. Et ce sous le regard faussement naïf d'une campagnarde qui soudain rejoint la grande ville. Elle y découvre le Sapri Shop, le Centre autonome et une certaine Dolce vita façon "No future" mais qui donne bien des raisons d'espérer. Et si des noeuds s'enmêlent c'est pour mieux rompre l'existant compact.
Jean-Paul Gavard-Perret
10:26 Publié dans Femmes, Humour, Images, Suisse, Vaud | Lien permanent | Commentaires (0)
19/11/2020
Féebrile fait braise
Féebrile (aka Isabelle Royet-Journoud) est basée à Belfort. La photographe (et auteure) est une maîtresse dans le self-portrait, l'érotisme et aussi les jeux de masques. Ses polaroids possèdent une qualité exceptionnelle. Ses fantasmagories aussi. Ils et elles épousent les traces du corps là où la figure contient son genre - mais pas seulement. Celle-ci peut changer d'âge ou se dédoubler ce qui n'empêche pas l'élévation voire une consonnance romantique des plus inattendues là où le plus commun peut s'ouvrir à la célébration mentale mais où le corps ne fait pas que pointer.
L'artiste introduit juste ce qu'il faut de trouble apparemment sans rien déranger. Mais la photographie prend une dimension imprévisible. Il est vrai que la créatrice connaît bien le corps des femmes et leur histoire. D'où ses visions et ses histoires qui demandent du temps et de l'attention. Les images brouillent toute structure du discours sur l'apparence et la nudité par des enjambements et ruptures visuelles et selon une expérience du temps, de l'espace. Il atteint une théâtralisation d'un sens à peine formulable et va, pour reprendre un autre Royet-Journoud (Claude), «jusqu'au bout du littéral».
Inventant sa propre grammaire visuelle Féebrile montre ce qui sourd et rarement ne fait surface au sein d’un univers tour à tour, proche et lointain. Il s'agit d'inventer le regard, de glisser à la surface des corps là où le masque ne sert pas de leurre mais de vérité, sans rien expliquer ou revendiquer à travers la cloison fragile et transparente du réel. Pour inventer ce regard il s’agit d’atteindre le fond du visible en brouillant toute structure et bien des cartes du tendre.
Jean-Paul Gavard-Perret
La fille avec le prénom commun / Ed. Furtives, Besançon, 2020, 3 E.
11:13 Publié dans Culture, Femmes, Images, Suisse | Lien permanent | Commentaires (0)
15/11/2020
Les étendues d'Olivia Milani
A la recherche d'un sentiment d'appartenance, Olivia Milani ne cesse de traverser les frontières géographiques et temporelles. Ses images "font" ce que les mots ne peuvent dire. A savoir comment les temps se superposent dans ses narrations subtiles et poétiques pleines de finesse.
Olivia Milani mène divers projets qui se développent à l'épreuve du temps. Et le voyage devient chez elle une source d'inspiration. Quittant sa Suisse pour l'Angleterre puis les USA la photographe se sent partout chez elle. Loin de devenir des signaux exoitiques, les paysages rencontrés sont transformés en visions intérieures pour décrire l'état et la fluidité des émotions.
Elle trouve dans les nouveaux lieux une manière de construire sa propre mythologie "portative" en un dialogue entre le dehors et le dedans et avec le sens d'une expansion de l'un comme de l'autre. Chaque image est donc une introspection et une activation de l'imaginaire. C'est la marque d'une vie invisible mais soudain perceptible comme si la créatrice touchait à l'essence du paysage et du portrait par un travail de conquête d'une vérité intérieure.
Jean-Paul Gavard-Perret
11:34 Publié dans Femmes, Images, Suisse | Lien permanent | Commentaires (0)