25/11/2020
Humour, ballade et philosophie : Joy Setton
Joy Setton, "Une chose menant à une autre", Editions La Baconnière, Genève, 2020, 192 p., 18 E. / 24 CHF.
Joy Setton qui a grandi et vécu à Genève et Paris habite désormais à New York et adore écrire. Peut-être trop. Certes elle ne tombe pas dans le bavardage oisif mais certaines circonvolutions et détails nuisent à "un incroyable plaisir mental". Néanmoins par sauts et gambades l'auteure propose des investigations non sans humour ce qui permet toujours de prendre hauteur et distance. Le jeu d'un rapprochement avec des oeuvres majeures (Baudelaire, Descartes, etc.) offre un portrait en miroir de la créatrice mais aussi des décalages astucieux.
Pour preuve son approche de l'auteur du "Discours de la méthode" : "Au contraire de certains garçons sensibles et ambitieux que j'ai fréquentés, qui sont surtout excitants au début Descartes gagne à être connu". Et l'auteure sous forme de badinage illustre sa capacité à affronter les oeuvres les plus hautes. Celles déjà citées mais Nietzsche et Kierkegaard compris. Et ce, sans collets montés.
De fait cette promenade dans Paris s'éloigne d'une vision éphémère de la réalité, pour introduire une notion d’outrepassement du temps et de ce qui s'y passe en une suite de réflexions sur des "éradicateurs radicaux", Robbe-Grillet compris. Chaque moment d'une telle "narration" s’appuie sur le réel mais la créatrice n'en retient pas des détails pittoresques mais ceux par lesquels l'anecdote devient un tremplin pour une méditation enjouée qui survole le quotidien. C'est une occasion de se poser des questions sur "ce qui arrive" là où la réflexion prend des dimensions inattendues qui justifient une telle approche . Le charme y opère autant que l'intelligence..
Jean-Paul Gavard-Perret
08:16 Publié dans Femmes, Genève, Lettres, Suisse | Lien permanent | Commentaires (0)
24/11/2020
Leoni Rose Marion effets de pans et plans d'ensemble
Il existe dans l'oeuvre de Leoni Rose Marion une beauté particulière qui prend sa source dans le monde tel qu'il est aussi géographiquement que politiquement. Une telle approche est rare. Elle se distingue de la production ambiante, soulève quelques problèmes fondamentaux auxquels l'artiste ne donne pas forcément de réponses.
Attachée au paysage singulier des gorges de sa vallée jurasienne et à l'histoire de sa région qui fut écartelée jadis entre pro-Bernois et pro-Jurassiens, elle crée à partir de là une narration du monde en fixant divers types de ruptures. Elles se manifestent sur des surfaces dont Leoni Rose Marion suit les failles. L'oeuvre demeure dès lors une déambulation dans l’instabilité et la misère du monde comme dans la stabilité des paysages.
Chaque photographie continue de travailler contre la précédente même si elles sont toutes armées de la même langue. Par elle leur créatrice propulse sur l'espace et les portraits des profondeurs cachées en craquelures, strates, frontières. Elle abandonne à l'image touristique la faculté de représenter et au cinéma sa capacité narrative. Bref elle opère par soustraction mais afin que chaque œuvre conserve une nature vivante.
Jean-Paul Gavard-Perret
09:46 Publié dans Femmes, Images, Suisse | Lien permanent | Commentaires (0)
22/11/2020
Nicole Chuard : saisir le temps
Dans l'immense corpus des photographies de Nicole Chuard - construit par rencontres, amitiés électives et sensations face au paysage - existe une circulation par association et télescopage où se concentre émotions et pensées. Le courant des images d'un tel travail photographique est alimenté aussi bien en argentique qu’en numérique. Des vieux clichés retrouvés dans une maison familiale se mêlent habilement à des images du présent dans son livre "Au grand chemin".
Des souvenirs d’enfance rappellent à la créatrice qu'elle a toujours aimé jouer avec les images et son travail revient à créer son propre puzzle de mémoire. Existe une avancée en des portraits noir et blanc et couleur d’écrivains, de musiciens, de chercheurs ou de professeurs d’université comme dans les impressions solaires et cyanotypes qui se multiplient au fil des ans. Le tout dans une marche et des transferts d’images instantanés qui s’inspirent de la nature en toute simplicité.
La créatrice poursuit sa quête sans qu'il n'y ait jamais de termes. Des séries et fragments couturés à une pensée ont pour objectif de donner jour en différents temps et teints dans un travail in progress. Nicole Chuard reste en connexion avec les êtres et les paysages dans ce qui représente sans doute par effet miroir une longue descente en elle. Elle sait mettre en scène mais aussi attendre qu'un imprévisible tourbillon - même au sein des portraits fixes - permette à une sorte d'apnée de suivre son cours.
Jean-Paul Gavard-Perret
09:32 Publié dans Femmes, Images, Suisse, Vaud | Lien permanent | Commentaires (0)