05/07/2019
L'éveil des regards : Sylvie Wozniak
Sylvie Wozniak, "Regarder le ciel", Andata Ritorno, Genève, du 13 janvier au 6 juillet 2019.
Retrouver les images de la Genevoise Sylvie Wozniak est toujours un régal, un ravissement de l'esprit. Nous sommes en compagnie d'un poétesse des icones subtils et drôles, philosophe à ses heures. Donc presque toujours. Ses fondus au noir et à l'image obligent le regard. "Plongé dans l'obscurité, on ne regarde rien. Quand l'image est là, elle appelle le regard par sa luminosité. La respiration nous porte dans un état de dépendance. Dans cet espace, nous respirons avec. Nous regardons avec." dit l'artiste. Elle transforme chaque regard en un éveil grâce à la puissance ailée de ses portraits et de son "écriture" plastique.
Se découvrent des pépites qui devraient depuis longtemps déplacer les idées communes sur le portrait. Le travail de Sylvie Wozniak permet en effet d'y penser le caché en ouvrant des dimensions et des combinaisons approfondies. Dégagée des plumes de paon du conformisme ou de l'apprêt, l'image s'ouvre au mouvement, à la danse. Mais aussi à une "écriture" où le portrait s'envole vers d'autres sommets. Il devient l'oiseau qui annonce les tempêtes ou le beau temps au delà des "prises" instantanées.
Les émotions et le corps de l'artiste agissent par des "pas de côté". Dans un travail figuratif les traits restent spontanés, rapides et essentiels, les couleurs s'y mêlent. Le geste fait vibrer les formes. La force des lignes, la composition, la matière et les textures de la peau comme celles de la peinture ou de l'encre de Chine avec leurs tensions, expressions, taches créent différents déplacements dans divers tons (l'ocre, le noir). Preuve que le portrait est un sujet inépuisable et mystérieux : l'être caché s'y révèle.
Jean-Paul Gavard-Perret
09:03 Publié dans Femmes, Genève, Images, Suisse, Vaud | Lien permanent | Commentaires (0)
04/07/2019
Hito Steyerl à la recherche de nouvelles constellations d'images
Hito Steyerl se dit documentariste ratée. Formée dans cette mouvance elle s'en est éloignée lorsque le genre a multiplié ses poncifs en devenant une sorte d'industrie commerciale. Elle a dû créer des installations pour se confronter à la réalité de manière différente. Car il s'agit toujours pour elle de savoir comment la représenter en acceptant le fait que cette approche n'est jamais complète puisque l'Histoire elle-même ne l'est pas.
Dans la filiation de Godard elle tente de plus en plus de saisir des réalités invisibles en s'éloignant de la tradition documentaire basée sur un "modèle" de construction de la vérité. La question que Hito Seyerl pose désormais est "comment voyons-nous ?" Et l'objetif est de mettre à nu les "filtres" qui rendent certaines choses visibles et d'autres pas. Comme par exemple celles des inégalités "enkystées dans les centres urbains" précise l'artiste.
Il faut donc essayer de les rendre visibles en prenant en compte les avancées numériques a priori dénuées d'incarnations matérielles et ce au moment où ce ne sont plus les images que nous regardons : ce sont elles qui nous traquent, nous surveillent et dont nous devenons l'objet. L'objectif est de s'engager dans ce qu'elle nomme une "observation participante" en créant un chaos organisé face à l'immense foutoir des images en construisant des interfaces spécifiques. Ils nous projettent à l'intérieur des réseaux organisés afin de créer de nouvelles constellations.
Jean-Paul Gavard-Perret
15:52 Publié dans Femmes, Images, Monde | Lien permanent | Commentaires (0)
29/06/2019
Michèle Bolli et l'approche de la sagesse
Michèle Bolli, "Îliennes", peintures de Catherine Bolle, Éditions d'art Traces, Lausanne.
Michèle Bolli est née à Porrentruy. Elle vit à Lausanne et a travaillé entre autres dans l’enseignement théologique. Explorant les rapports du féminin et de l'écriture, elle s'est spécialisée dans l’étude du langage et des traditions sapientiales en théologie. Elle s'est intéressée à la représentation de la Sagesse de Dieu dans le monde vétérotestamentaire ainsi qu'en théologie contemporaine. Elle est également l’auteure de plusieurs recueils de poèmes dont "Transparence enluminée" et "Îliennes". Les deux avec des peintures de Catherine Bolle.
L'écriture de l'auteur est profonde, faite de chair et de rêve comme de résilence et de spiritualité. Celle-ci s'est enrichie de ses voyages pour appréhender des religions et des rites forains (en Inde par exemple). La figure de l'autre est donc envisagée dans sa complexité comme dans le "souffle" des femmes et leurs espoirs souvent et encore écrasés. Elle a entre autre revalorisé la présence des femmes dans la Bible afin de dégager la lecture du livre sacré de bien des ostracismes.
La vraie Sagesse est à ce prix. Et les poèmes de Michèle Bolli sont fait pour la consacrer à travers des voies qui unissent les pensées mythiques et celles du temps. D'où des textes d'illuminations que Catherine Bolle a su magnifier par son travail d'artiste et d'éditrice. Les deux femmes sont dans de telles oeuvres en avance sur leur temps : des formes archaïques y deviennent capables d'oser de nouveaux paris esthétiques et existentiels.
Jean-Paul Gavard-Perret
18:15 Publié dans Femmes, Images, Lettres, Suisse, Vaud | Lien permanent | Commentaires (0)