03/08/2019
Melanie Manchot : une aussi longue attente
Chez Melanie Manchot le temps ne se perd pas dans les corps d'âge. Mûres ou non les femmes restent des si reines et beaucoup plus romantiques qu'il n'y paraît dans un travail où l'artiste ne cesse de faire comprendre les liens qui unissent ou défont le corps intime et social, l'espace privé et publique.
Existent parfois dans ses portraits des hommes qui quoique d'apparence virile semblent quelque peu des épaves impavides. Et se découvrent au fil des séries autant des montagnes suisses et des autochtones en costume folklorique que des couples danseurs en des bastringues de fête nationale quel que soit le pays.
Vidéos et photographies suggèrent souvent des êtres en attente ou en absence. Ils marchent, s’agitent ou restent passifs. C'est comme si des cauchemars leur lançaient des boulons ou des boules de neige en pleine figure. Typhon d’images, oscillations, sauts grenus. Mais ce sont là moins des drôleries que des énigmes. L’inverse est parfois vrai aussi. Au regardeur de se faire son avis.
Jean-Paul Gavard-Perret
08:07 Publié dans Femmes, Images, Suisse | Lien permanent | Commentaires (0)
30/07/2019
Lada Umstätter : Chut !
"Silences" au Musée Rath, place Neuve, jusqu'au 27 octobre 2019
Après dix ans à la tête du Musée des beaux-arts de La Chaux-de-Fonds (MBA), Lada Umstätter dirige le domaine des beaux-arts du Musée d’art et d’histoire de Genève et lui a donné un sacré coup de neuf. Moscovite d'origine, elle reste une des spécialiste les plus aigues de l’art suisse du XXe siècle. Elle a entrepris non seulementt de le "conserver" mais souvent d'en révéler certains pans égarés grâce à l’accrochage permanent et en sortant des réserves des oeuvres parfois scandaleusement oubliées.
La directrice mène une politique de rénovation sur divers niveaux. Pour elle un musée ne doit jamais se fermer sur ses acquis mais s'ouvrir par une dynamique en interne et en externe. Dans ce but Lada Unstatter ne cherche pas à valoriser forcément le lieu par des expositions grandioses et tape à l'oeil. Des monstrations plus modestes permettent de pénétrer l'art et le réanimer par des sujets locaux.
Après la grande exposition "César et le Rhône", des interprétations modernes de thèmes antiques furent proposées autour des Métamorphoses d’Ovide et sur le thème de la "Nudité sacrée". Elle présente cet été une exposition dont elle est la curatrice. L'idée première était afin de mélanger les genres et les époques de la nommer "Vie silencieuse" avant de devenir "Silence", projet magnifique , ambitieux et réussi de l'art classique jusqu'aux travaux d'un Alexandre Joly ou d'un Calame.
Historienne d'art Lada Umstatter refuse de considérer les œuvres d’art en une simple fonction d’illustration d’un récit historique. Son exposition montre par exemple comment le "silence parle le silence" (Beckett) tel qu'il fut et ou sera au nom de la vie. Celle-ci n'est pas éternelle et ramène forcément à ses profondeurs de nuit mais auxquels artistes (femmes et hommes) donnent des couleurs et des formes. Le travail de la directrice et curatrice est donc un modèle du genre. Elle cherche à explorer la puissance de l'art et la défendre même si un tel rôle n'est pas toujours facile. Le travail accompli et celui qui traverse cet été genevois prêche pour une telle avancée.
Jean-Paul Gavard-Perret
08:18 Publié dans Femmes, Genève, Histoire, Images, Suisse | Lien permanent | Commentaires (0)
28/07/2019
Antonia V. Baramova : l'image la plus nue
Reprenant l'idée de Valéry ("ce qu'il y a de plus profond dans l'homme c'est sa peau") Antonia V. Baramova propose un visage sans visage de la nudité sous le mode le plus minimaliste qui soit. A chaque regardeur (plutôt que voyeur) d'interpréter ce qu'il voit. La photographe ne cherche pas à prouver : elle propose des lignes et des surfaces de "réparation" qui sont des "marges" à suivre. La nudité telle qu'elle apparaît ici efface le temps ou le retient.
Existe une magie suprême d'une face cachée mais lumineuse d’avalanche ou d’Ascension incarnée que l’artiste sait comprendre sans s’en emparer, traduire sans la réduire, mettre à nu sans déflorer. Renaît la lutte - entre les corps et le Corps, le monde et les mondes, entre l'Esprit et les esprits - un désir peut-être de réconciliation entre vues et voyeurs.
Antonia V. Baramova nous plonge dans des univers fluides, des féeries froides mais sans doute brûlantes. En ce minimalisme plastique et narratif une ligne suffit à l’horizon. Autour des effets de gaze, s'inscrit une image au-delà de l'image, une image cherchant le sens de la Présence. Un rien «dénaturalisée» l’apparence apprend à se méfier de sa propre séduction. Le «réalisme» ou plutôt la figuration rapproche inconsciemment d’un souffle de l’amour dont on ne saura jamais rien sinon ce que la photographe en suggère.
Jean-Paul Gavard-Perret
08:42 Publié dans Femmes, Images, Suisse | Lien permanent | Commentaires (0)