22/08/2018
Julije Knifer : le noir et le blanc
Julije Knifer, Cabinet d’art graphique, Mamco, jusqu’au 9 septembre 2018.
Décédé en 2004, Julije Knifer fut à l’origine membre du groupe néo-dadaïste de Zagreb « Gorgona » à Zagreb. Très vite il radicalise son approche de plasticien de manière suprématiste au moyen de tableaux et dessins faits de masses noires à l’huile ou à l’acrylique ou modelées sur des papiers lourds par pressions superposées de graphite ou créés à la mine de crayon doux ou avec du graphite à la texture métallique.
De tels ensembles rythment les espaces laissés vierges : les fissures qui parcourent les plans fomentent des masses sombres en allusion à un motif décoratif permanent de l’art dorique grec antique. Knifer les transforme selon des vibrations à travers diverses verticales et horizontales qui se développent ou se réduisent dans le blanc.
Le noir crée ainsi une sorte d’instabilité dans des structures aussi austères que singulières. Ces œuvres demeurent toujours aussi vibrantes qu’émouvantes là où le rythme pictural n’offre jamais une réponse unique. Dans une telle œuvre apparaît la priorité à l'intelligence - c'est-à-dire à un esprit d'analyse et de synthèse - mais elle ne se satisfait pas d’elle-même. L’émotion demeure et possède une force vitale dans des essaims d’incertitudes subtilement fomentées.
Jean-Paul Gavard-Perret
16:06 Publié dans Culture, Genève, Images, Suisse | Lien permanent | Commentaires (2)
19/08/2018
Matthieu Ruf : Robinson est de retour
Matthieu Ruf, « Seconde Nature », Paulette Editrice, Lausanne, 2018
Le jeune écrivain Lausannois Mathieu Ruf a fondé en 2012 le collectif AJAR dont les membres partagent le désir d’explorer les potentialités de la création littéraire en groupe et de défendre une approche professionnelle de l’écriture sur divers médias et support. Son voyage en Amérique du Sud alimente son blog nommé « L’encre de Paragonie ». Et il n’est pas sans échos dans ce livre où le héros devient « un scientifique penché sur un insecte ». Ce qui permet à l’auteur « Un retour à la nature, entre conte des origines et documentaire post-apocalyptique. »
Ce Robinson d’un nouveau genre n’est pas toujours en état de fonctionner parfaitement. Mais il est à l’image de la forêt qu’il explore. Elle est peuplée d’une faune et flore particulières : cochons d’eau, sistérinos, colovriers, etc. Mais l’auteur procède de manière dialectique hégélienne le personnage et le monde entre conservation et dépassement des éléments que constitue le roman entre négativité et positivité dans des linéaments et des lignages impressionnants entre le primitif et le futur.
Cette dialectique est subtile et l’auteur possède un art achevé et ironique de la description et de l’allusion subtile. Elles donnent tout le sel à cette dystopie originale et qui remet bien des montres à l’heure en défendant des valeurs autant « sauvages » qu’irrecevables dans notre monde qui sous couvert d’ouverture propose bien des révocations et des exclusions. Et l’éditrice lausannoise prouve une nouvelle fois sa volonté de faire bouger les lignes dans ses exercices et liberté et d’amour de la langue.
Jean-Paul Gavard-Perret
08:33 Publié dans Culture, Fiction, Lettres, Suisse, Vaud | Lien permanent | Commentaires (0)
17/08/2018
Heart of stone : Patrick Rohner
Patrick Rohner, “Entanglement”, Galerie Mark Müller, Zuricn, septembre-octobre2018.
Né en 1959 à Geboren in Rothenthurm, Patrick Rohner fait de la tectonique l’objet de son œuvre. Il la visite selon divers montages et pratiques. Ses photographies donnent aux surfaces un aspect étrange. Elles deviennent des tapisseries de lieux qui à la fois perdent leurs références tout en demeurant des signes clés des paysages premiers. C’est un peu comme une reproduction des montagnes mais selon une prise qui en signale l’architecture initiale qui repose sur la nature de la roche, le climat et l’atmosphère.
L’artiste ne cesse de travailler ces problématiques des natures profondes. Celles-là créent des atmosphères énergétiques, chimiques, biologiques en des présences que l’artiste saisit en ouvrant bien des questions visuelles sur les problèmes du monde tel qu’il devient. S’inscrit ainsi en filigrane une sorte d’engagement quasi politique. N’est-ce pas là revenir à l’essentiel et passer de l’architecture muséale à une architecture de la vie ?
L’artiste à travers le réel franchit ses frontières, modifie les manifestations visibles, ou plutôt transforme leur perception. Un hybride paysager et naturel surgit progressivement. Il demeure riche d’implications en des phosphorescences mystérieuses où sur les ruines ou les surgescences de la nature se redessine une architecture admirable nourrie de la clarté.
Jean-Paul Gavard-Perret
09:29 Publié dans Culture, Images, Suisse | Lien permanent | Commentaires (0)