23/09/2018
Michel Lagarde : stupeur et rire
Michel Lagarde en des photographies noir et blanc aux décors suranés et étranges crée un monde atypique où nous croisons ses doubles. Ce sont des ogres prêts à tout : ils font boire des potions magiques ou des bonbons de plomb à celles ou ceux qui croisent leur chemin.Il y a là d'étranges monstres dérisoires, merveilleux dignes de "Freaks", des atmosphères des films noirs et réalistes des anées 50.
Les héros y sont aussi flegmatiques que clownesques. Sous le dédale croissant de la lune les visages restent rarement muets et impassibles et ce dans différents traitements de la lumière. Elle sort du corps ou l'éclaire de manière brutale sans que la volonté de Dieu n'y soit pour grand chose. Sauf bien sûr à considérer l'artiste comme tel. Ce qui reste possible.
Les dramagraphes recomposés par l'artiste permettent de replonger au fond même de l’expérience primitive de l’émotion, de l'amour, de la beauté, sa force et sa douleur. L'ensemble selon un néoréalisme farcesque qui peut parfois confiner au tragique. La stupeur est de mise mais le rire encore plus. Le lien est là avec la vie propre de l'artiste et la nôtre là où Hitshcock rejoint les Fratellini.
Jean-Paul Gavard-Perret
Michel Lagarde, "Dramagraphies - autoportraits photographiques", Carré Amelot, La Rochelle, 18 setembre au 8 décembres 2018.
14:57 Publié dans Culture, Humour, Images | Lien permanent | Commentaires (0)
21/09/2018
Julian Charrière : les chimères contaminées
Julian Charrière, « Second Suns », Hatje Cantz, Berlin, 2018, 144 p., 50 E.
Julian Charrière prend la Terre comme terrain d'investigation. Qu'il rassemble du sable provenant des États reconnus par l'ONU ou des prélèvements issus des plus longs fleuves du monde, qu'il réalise des performances solitaires en Éthiopie ou en Islande, il joue avec la géologie, la science et l'architecture.
A la recherche d’un imaginaire collectif l’artiste suisse fonde ses recherches pour le futur sur le passé. Avec « Second Suns » son dernier livre et grâce à un procédé optique il explore les paysages post nucléaire de l’île de Bikini où eurent lieux les explosions expérimentales américaines comme ceux de Semy au Kazakhstan où se firent leurs équivalences soviétiques. Il s’agit pour l'artiste d’approfondir l’influence des hommes sur la terre. Ses œuvres rendent perceptible l'impact de tels « chocs » sur les objets. Le créateur infiltre des éléments perturbateurs dans des images. Elles sont ici éloignées de notre compréhension ordinaire. Nos sommes portés vers une nouvelle perception énigmatique.
Charrière évoque par son travail quelque chose qui a commencé et qui ne s’arrêtera peut-être jamais et qui est l’histoire d’une mort annoncée même si elle trouve ici de merveilleuses images. L’image, en dépit de ses charmes, n’est plus le désir, la matrice, le temps du désir. Elle génère le tonnerre, la tempête et les illusions d’une « sagesse » qui met à mal la primordiale. La Mère de l’immense terre cosmique se retrouve ainsi célébrée mais de manière contaminée et malade.
Jean-Paul Gavard-Perret
14:53 Publié dans Culture, Images, Monde, Suisse, Vaud | Lien permanent | Commentaires (0)
19/09/2018
Jen Devis : elle et lui
Ayant constaté – après la publication de son livre « Eleven Years » que « presque tout ce que je voulais dire à propos de mon corps avait été dit. Il était difficile de continuer à faire les types d’images que je faisais depuis plus de dix ans ». Jusque là Jen Davis scénarisait sa vulnérabilité. Pour en sortir elle a d’abord porté son appareil sur vers une communauté de femmes culturistes. A travers elles l’artiste découvre une transformation physique qui lui permet de trouver une confiance en elle.
De plus (et surtout) en photographiant les culturistes,elle a rencontré celui qui est devenu dit-elle « sa première relation adulte ». Elle s’est mise à capter les moments partagés avec Stephen en tant que sujet de désir et - entre autres ou surtout - du sien. L’homme n’est plus un modèle ou un acteur mais « du » réel non fabriqué pour « faire » une photo.
«Stephen et moi» est donc une célébration de l’amour et dit la plasticienne « le rappel de ce qui manquait tellement dans ma vie: la proximité d’un lien émotionnel et physique ». Néanmoins la série échappe au narcissisme et l’autocélébration. Existe une incantation et une méditation sur ce qu’il en est de l’amour. Il n’est pas forcément magnifié : apparaît en filigrane des peurs et une insécurité. Certaines images les trahissent.
Jean-Paul Gavard-Perret
Jen Davis, "Lits et Fenêtres", Lee Marks Fine Art, Shelbyville, Indiana, du 10 septembre au 4 novembre 2018.
20:37 Publié dans Culture, Femmes, Images | Lien permanent | Commentaires (0)