06/10/2019
Geishas en galère : Formento & Formento
Passionnés par le Japon Formento et Formento se sont focalisés 2018 sur la "canalisation" des artistes Hokusai et Hiroshige afin de chercher ce que - entre autres - le mont Fuji signifie pour eux dans la sacralisation jusqu'au mont de Vénus. "Nous considérons le Japon comme notre lieu spirituel et nous aspirons toujours à revenir et à approfondir notre exploration de la culture et du paysage" écrivent les créateurs. De Tokyo aux campagnes ils ont montés des narrations visuelles à l'aide de jeunes femmes japonaises déguisées en geishas.
Elles interprètent des vies imaginaires sous la force du volcan là où tout est fait pour que le voyeur s'intéresse autant à ce qui est montré qu'au hors-cadre. Si bien que ces photos japonisantes offrent sous couvert de cérémonies (du thé mais pas seulement) des tableaux captivants et décalés par rapports aux "japoniaiseries".
Peut exister un possible « in the mood for love » mais de manière décalée et qui n’exige pas de mettre les points sur les i dans le bain des narrations. Chaque prise en ses tensions et sa violence plus ou moins sadique ou masochiste crée un malaise et une tension. Les geishas sont presque toujours solitaires car leurs éventuels "clients" restent hors champ. Les motivations des premières demeurent mystérieuses dans leurs préparatifs comme dans leurs aboutissements.
Jean-Paul Gavard-Perret
Formento & Formento, "Japan Diaries"
09:25 Publié dans Culture, Femmes, Images | Lien permanent | Commentaires (0)
04/10/2019
Pièges aux regards : Betty Tompkins
Chez Betty Tomkins, l’effet de très gros plan provoque une mise en abyme du sexe. Amants et/ou partenaires sont réunis uniquement ou isolés dans des fraglants du lieu « par où ça (se) passe ». Si bien que les réputés « pornographes » que furent ou sont les Bellmer, Fautrier, Maccheroni et Serrano trouvent avec Betty Tompkins une "ugly" Betty néanmoins des plus inspirée.
L’œuvre n’a en aucun cas pour but de faire lever du fantasme. Il doit s'envisager et se « dévisager » (si l’on peut dire…) en un processus de réflexion et de pulsion. L’œuvre porte en elle son Fatum entre la lumière et l'ombre, l'intelligence et l'instinct. Surgit paradoxalement ce qui dépasse le pur corporel, qui dépasse aussi le langage en tant qu'outil de communication. D'où le titre de l'exposition londonienne.
Les agrégats et la stratégie esthétiques renvoient à une crudité de constat. S’y découvre aussi la métaphore agissante et obsédante de la vie qui par le noir et blanc s’ouvre à un langage quasi marmoréen là où normalement la souplesse s’impose… Du coup tel est pris qui croyait prendre.
Jean-Paul Gavard-Perret
Betty Tompkins, "Talking Talking Talking", Freize et Freehouse, Londres, du 30 septembre au 9 novembre 2019.
08:29 Publié dans Culture, Femmes, Humour, Images, Résistance | Lien permanent | Commentaires (0)
03/10/2019
Patrick Modiano : la mémoire et l'oubli
Modiano pousse toujours plus loin sa recherche de la belle cause de l'oubli. L'auteur dans cette remontée vers la décennie qui ne cesse de le fasciner rappelle qu'il n'y a pas d'origine même si en théorie une "vérité" suppose une présence originelle. Preuve - aussi - que chacun peut se passer des noms du père à condition de savoir s'en servir.
Que l'enquêteur soit amnésique ne fait que le souligner et ramène à un point essentiel : toujours passé, ce qui s'est passé sans être présent crée l'immémorial que donne l'oubli. Ce livre "traduit" - par une voix étrange au service d'une pensée qui pourrait semble altérée - que tout commencement est recommencement. C'est là une, sinon la "leçon" majeure de la fiction modianesque en sa persévérance de jeux de variations de plus en plus pointues.
Jean-Paul Gavard-Perret
Patrick Modiano, "Encre Sympathique", coll. Blanche, Gallimard, Paris
15:37 Publié dans Culture | Lien permanent | Commentaires (0)