29/08/2018
Mathieu Bernard-Reymond et les contre-images
Mathieu Bernard-Reymond « La flèche du temps », Galerie Heinzer Reszler, Lausanne, Du 7 septembre au 13 octobre 2018.
Mêlant la tradition argentique à la technologie numérique, Mathieu Bernard-Reymond propose ses univers étranges, grandioses, inquiétants, un rien mélancolique. Il poursuit à Lausanne ses "Mondes possibles" dont les premiers indices furent présentés au musée Nicéphore Niepce de Chalon sur Saône. S’intéressant à la notion de production et de transformation il part de photographies « documentaires » pour les retoucher et les manipuler et les éloigner de la photographie « de reportage » pour les pousser du côté de l’abstraction entre les deux infinis pascaliens.
Se crée une interaction entre enregistrement du réel et son interprétation artistique complexe en ce qui peut faire penser parfois à des collages implicites par l’utilisation des logiciels de traitement d’image et leurs algorithmes. L’artiste compose des environnements imaginaires, des mondes possibles, au moment même où notre époque tend à confondre réel et virtuel. Les « trucages » génèrent l’impression de vides ou d’arrêts au sein de lieux désertés où les personnages (lorsqu’ils sont là) semblent avoir démissionné.
Mathieu Bernard-Reymond rappelle combien nous vivons dans l’ère de l’écran et ses éclats médiatiques « officiels » jusque dans l’aire du ludique qui perd sa force d’imaginaire. Contre ces visions l’artiste oppose ses contre-images afin de lutter contre les déformations volontaires. Par ses fenêtres et ce qu’un critique a appelé un « land art fictif », soudain les imaginations mortes imaginent encore grâce à la magie du créateur. Aux bijoux ravis par les médias il ravit de ses propres joyaux à l’épreuve comme à la flèche du temps.
Jean-Paul Gavard-Perret
10:53 Publié dans Images, Suisse, Vaud | Lien permanent | Commentaires (0)
24/08/2018
Xavier Robel : mise en abîme de la position du voyeur
Xavier Robel, « 5 3 abot e+G om », Atelier de Bellevaux, Lausanne, du 2 au 22septembre 2018.
Xavier Robel est un artiste, illustrateur et graphiste. Il est notamment cofondateur de « Elvis Studio ». Pour lui la manière dont se construit et se dessine une histoire importe autant que l’histoire elle-même. Sa trame vire plein pot vers les effets plastiques. Cette exposition propose en conséquence moins un récit en suites que des scènes graphiques. Pas n’importe lesquelles : vues par le regard d’un créateur qui impose ses propres normes.
Ce regard passe à travers divers écrans ou filtres monochromes. Ils donnent aux images une valeur de cinématique en des jeux de miroirs sinon mal fixés. Ils transforment le regard en un « écran total ». L’exposition met à distance le voyeur témoin du spectacle évènementiel qui le prend au piège au sein de courts-circuits ou de décalages où toute possibilité de récit se perd. Et c’est bien ce qui fascine et réjouit. D’autant que l’auteur s’amuse à en remettre des couches, continue dans la lancée de tels détours à ajouter ou ajourer des détails. Tout se démultiplie, ricoche en vision kaléidoscopique froidement drôle, dégingandée et énigmatique.
Jean-Paul Gavard-Perret
10:05 Publié dans Genève, Images, Suisse, Vaud | Lien permanent | Commentaires (0)
21/08/2018
New-York Délire : Tomy Ungerer
Tomy Ungerer, The Party, Les Cahiers Dessinés, Lausanne, 2018.
Avec ce qui est un de ses chefs d’œuvres republié aujourd’hui dans les « Cahiers Dessinés », Tomy Ungerer s'attaquait au système de rendement américain dans le monde des affaires et en particulier de l’édition avec laquelle il réglait ses comptes. Mais plutôt que de la traquer de manière frontale et didactique l’auteur montre comment « l'homo businiensis » obéit aux règles d'un jeu impitoyable dans lequel néanmoins le plaisir semble au rendez-vous.
Mais ce n’est qu’illusion d’optique : hommes (et femmes) sont des loups pour les hommes (et les femmes). Tous sont réunis dans le microcosme d’une soirée mondaine de la société huppée new-yorkaise. Il devient l’observateur d’un zoo humain transformé en une fantasmagorie désopilante. Les noctambules deviennent des rapaces armés de rangs dents à la place de leurs visages, des pieuvres aux membres tentaculaires : la cruauté répond à la cruauté.
La « Party» de Blake Edwards elle-même fait pâle figure face à celle d’Ungerer. Le dessinateur transforme la New York-Babylone - entre passion et haine - en un New York délire. C’est un réquisitoire sur la décadence de la société où la femme est loin d’avoir le plus beau des rôles (euphémisme !).
Jean-Paul Gavard-Perret
22:24 Publié dans Humour, Images, Suisse, Vaud | Lien permanent | Commentaires (0)