17/12/2019
Alice Winocour : embarquement presque immédiat
Ce film d'espace - qui se déroule sur terre dans des centres d'entrainement aux voyages spaciaux de Cologne et de Baïkonour -, en dépit de son caractère possiblement de quasi science-fiction reste avant tout et paradoxalement un film féministe. Pour preuve la femme culpabilise de quitter son enfant. Les hommes pas.
Et Eva Green réussit parfaitement l'incarnation de l'héroïne. Le film reste aussi précis que lyrique. Sous couvert de reportage sur cette femme en mission, la fiction illustre - et bien plus - ce qu'est que le métier de vivre lorsqu'il s'agit de s'arracher - à la terre, comme à la mère.
Impressionniste par son regard, la réalisatrice Alice Winocour sait créer une émotion latente et subtile. Si bien que ce film surprend autant par son côté document que sur la méditation qu'il donne au sujet du sens des actes entrepris par celles et ceux qui s'y engagent. Et c'est une réussite.
Jean-Paul Gavard-Perret
Proxima d'Alice Winocour
22:17 Publié dans Femmes, Fiction, Images | Lien permanent | Commentaires (0)
Stéphane Thidet le passeur
Stéphane Thidet, "Impatience", Galerie Laurence Bernard Genève, à partir du 16 janvier 2020.
Stéphane Thidet crée des abîmes visuels en mêlant l’imaginaire collectif et les fantasmes intimes, la sensation de déjà-vu et l’incongruité des situations. A la biennale de Lyon il a par exemple proposé une installation où dans un moto-cross très particulier, une machine sans maître sculptait un territoire à la manière d’un scalpel qui laisse derrière lui un cercle presque parfait.
A Genève il s’attache à des éléments infimes et des effet de surimpressions pour offrir des projections fragiles et dans un état latent dans un état de micro-turbulences qui rapprochent de la fragilité de la lumière et, par extension, qui touchent à la fragilité d’une image.
L'artiste prouve que la perception n’est pas que sur le dessus des choses : "elle gagne aussi le regard par en-dessous" dit-il. Une aura dépasse le regard par effet de sa surface. La réalité nous arrive avec sa matérialité et ce qu'elle dégage dans une sorte de minimalisme. L'artiste joue avec des fantômes et leur surface sombre et inconnue où le territoire est toujours une sorte de méditation sur la vie et la mort là où les questions personnelles de l'artiste débouchent sur ces grands universaux.
Jean-Paul Gavard-Perret
10:40 Publié dans Genève, Images, Suisse | Lien permanent | Commentaires (0)
Neus Sola et les senteurs de Havane
Le photographe barcelonais Neus Sola saisit des poupées de chair issues de lieux souvent refoulés voire honnis (gens du voyage). Elles deviennent des relais cosmiques et leur stabilité fixe la volatilité du temps et de l’espace. Il s’agit de foyers de présences et de transparences fluides. Ce sont des veilleuses qui donnent encore au monde un air d’attente.
Se retrouvent dans l'œuvre des scarabées d'or tout comme des puces d'air. Les deux permettent de reconnaître l'endroit où la vie se creuse, se mange du dehors et du dedans. Créer revient donc à décrypter une infinité de nymphes que nous ne voyons pas. Il faut donc rester dans la singularité des images. Elles sont franches du col, s’élèvent au-dessus de la pensée, ruinent l’angoisse du monde avec une douceur paradoxale qui change selon les moments de prise.
C’est à ce moment-là que le réveil a lieu. Il secoue les radoteurs et leurs bêtises qui ne se mesurent pas au nombre des années. Il n’y a pas de plus jeunes idiots que d’autres dans le fleuve des saisons. Certains s’y immergent, d’autres en émergent : le tout est de savoir si c’est dedans ou dehors qu’ils s’ennuient le moins. Face à eux Neus Sola continue de créer des moments forts mais cachés. Ils ne contiennent jamais de baby-blues ou des babioles. Juste des farandoles de gitanes qui sortent ailées de leur monde.
Jean-Paul Gavard-Perret
Neus Sola "Poupées"
10:30 Publié dans Culture, Images | Lien permanent | Commentaires (0)