23/06/2017
Marie Mons : Île d’Elle
Décidée ou subie, la solitude des photographies de Marie Mons est pleine. Elle débride le vide par un nœud de contraintes trouvée dans les lieux nocturnes que la créatrice affectionne. Désormais c’est Islande en sa nuit polaire. La présence des portraits la réanime à travers un double littéraire et existentielle : manière de rappeler la violence dans la dé/repossession. A savoir ce qui touche à l’essentiel de l’être dans sa chair.
Ce double rappelle que la condition d’être n’a pas disparu : il suffit de la qualité d’un lieu, la lumière d’une mise en scène et un sens du rite. Dans la « nuit enfante » comparable aux journées dont parla Rimbaud, là où l’ombre fait barrage l’artiste ouvre à la vision par une révulsion particulière.
Manière de faire le vide en quelque sorte mais aussi de faire le pas, renverser les rôles, accepter la perte, permettre s’accéder à la douleur de l’amour. Se mettre ainsi au coeur de la glace parce qu’il y aura toujours le trop brûlant du corps. Et celui de l’île. Il faut y suivre la créatrice en ses métamorphoses et césures, ses jeux d’abstraction et de figuration pour voir un visage qui n’ajoute rien, mais ne retranche rien de l’affolement dont il sort.
Jean-Paul Gavard-Perret
Marie Mons, « I am Aurore Colbert said Marie Mons », ARP2 Publishing. Exposition aux Nuits photographiques de Pierrevert, 27 – 30 Juillet 2017.
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22/06/2017
Saintes et Saints de Gabrielle Jarzynski
Les saintes cultivent des pâmoisons particulières. Leur adoration fracasse et monte à l’assaut du « Lui » ou du « Toi ». Mais il arrive qu’elle appelle des vœux moins pieux et semble se tromper de cible. Bref - et si l’on préfère - la grotte évoquée ici n’est pas celle de Lourdes. Le tout est de disparaître dedans « au creux du ventre dans le ventre ».
Certes Gabrielle (qui n’est pas un ange) Jarzynski sait qu’une telle adoration n’est pas forcément la bonne. Face à son miroir elle s’en confesse avant qu’il ne se transforme. Peu à peu elle y voit moins elle que l’autre. Elle n’a Dieu que pour lui. L’adoration mystique mi raisin devient un fruit à qui hurle famine. L’adoratrice n’est pas la dernière a réclamer l’ut du rut.
Princesse de glaive, elle a plus de vulve que de cœur. D’une certaine manière il faut que ça saigne là où la poésie devient calligramme. Et la créatrice rappelle qu’il existe toujours de belles surprises dans une belle personne. C’est à la fois féroce et poétique. Les abattis sont marqués d’étoiles de mer qui ne finissent pas forcément en queues de poisson. Tout un peuple intérieur chevauche les belles. Les Madame Edwarda de Bataille ne sont ici ni putes, ni soumise : elles trouent les surfaces de réparation des miroirs pour y trouver la grâce.
Jean-Paul Gavard-Perret
Gabrielle Jarzynski et Eric Demelis, « Un miroir », 2017, Atelier Gabrielle Jarzynski.
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21/06/2017
Claire Nicole : hommage
Claire Nicole (collage) et Christiane Tricoit (poème), « Chambre avec vue », Editions Couleurs d’encre, Lausanne, 2017, 33 FS.
Claire Nicole à travers son leporello offre un bel hommage à Christiane Tricoit récemment disparue. Plus que mémoire, l’artiste fabrique du présent et transmet de sensations en proposant des équivalences plastiques au poème. Le texte vit à travers ce prisme visuel : l’inquiétude s’y transforme en fraîcheur de cime en une sorte de subtile évaporation.
Emerge un jeu d’écume loin de toute banalité simplement descriptive et dans un bain d’oxygénation selon un « répons » entre deux femmes et créatrices exigeantes qui s’appréciaient beaucoup. Plus qu’en abstraction et sensorialité, le paysage se déploie hors banalité et dans des formes qui ralentissent astucieusement la lecture vers l’intérieur d’une rhétorique polyphonique et une forme de hantise de l’air et du temps. Au moment où une page se ferme Claire Nicole lui redonne du souffle.
Jean-Paul Gavard-Perret
11:25 Publié dans Femmes, Images, Lettres, Vaud | Lien permanent | Commentaires (0)