18/08/2015
Christian Marclay et les samplings plastiques
Christian Marclay, "Action", du 30 Aout au 15 Novembre 2015, Aargauer Kunsthaus, Aarau
Christian Marclay a grandi à Genève puis est parti pour Londres et New York. Il explore les rapports entre les arts plastiques, la musique et la culture populaire. Pionnier du turnbalisme, performer et plasticien l’artiste est reconnu à la fois pour ses collages sonores, ses peintures mais aussi ses vidéos, sculptures et photographies. Intitulé « Action » l’exposition à l’Aargauer Kunsthaus se concentre pour la première fois de manière exhaustive sur le concept de l’onomatopée. Elle rassemble 120 œuvres qui retracent le parcours de l’artiste depuis la fin des années 80.
A la manière d’un Samuel Rousseau, Christian Marclay construit de grandes machineries spatiales et sonores, mais il développe aussi un grand nombre de peintures et d’œuvres sur papier. Pour lui la bande dessinée est le moyen idéal de la visualisation sonore grâce à l’onomatopée. Elle suggère aussi énergie, mouvement, narration et donc l’« action ». Les plus récentes recherches de l’artiste explorent l’onomatopée au moyen de mots écrits selon diverses procédures complexes de peinture et d’impression. Elles permettent des évocations très comiques en différents mélanges et étendues de la peinture. Elles deviennent parfois un clin d’œil à l’Action Painting dont l’importance est majeure pour Marclay. Au même titre que l’art traditionnel japonais. L’artiste n’hésite pas à le mélanger aux « Comics ». Avec « Hanging Scrolls » présenté ici pour la première fois en Europe il a créé avec des architectes une interprétation contemporaine de la fameuse Maison de thé. L’œuvre rameute un sampling et un found-footage non seulement musicaux mais plastiques, graphiques et littéraires. Toute une culture du mixage et du recyclage fait de ce travail une des investigations les plus vivifiantes du temps.
Jean-Paul Gavard-Perret
11:13 Publié dans Images, Jeux de mots, Suisse | Lien permanent | Commentaires (0)
17/08/2015
Olivier Mosset : radicalité et épure
Olivier Mosset, « qu’est-ce que voir ? », Editions ENd, Le Ban Saint Martin.
Trop guidé par les questions pas forcément pertinentes d’Alain Coulange qu’on a connu en meilleure forme, Olivier Mosset prouve toutefois la part la plus intime et minimaliste de son travail. Artiste essentiel il est essentialiste bien plus qu’iconoclaste. Il évoque ici la relation de sa peinture à l’espace en vue de l’établissement de dispositifs d’exploration. Ils incarnent une figuration et une vision très particulières du monde. Ce n’est donc pas exactement d’un espace seulement pictural dont il est question ici, mais d’un espace traversé d’une pensée possible au cœur de laquelle un dialogue se dessine avec des images et entre des images.
Le travail de Mosset ne traite pas expressément de la représentation ou du spectacle de la représentation, mais de ses extrêmes : le commencement et la fin, les limites. C’est là que se manifestent les phénomènes qui intéressent particulièrement Mosset : apparition et disparition dont le créateur (comme une Viviane Zimmer en photographie) restituent une trace impalpable, un signe qui s’absente tout en étant présent. Pures présences les œuvres retiennent l’essentiel en épure. La disparition du fortuit manifeste une absence au présent. Elle la signe. C’est en ce sens l’œuvre reste un voyage initiatique loin des paysages du monde mais vers son essence.
Jean-Paul Gavard-Perret
10:59 Publié dans Images, Suisse | Lien permanent | Commentaires (0)
16/08/2015
Du paysage : Paradis ici et maintenant
“Paradiesgärten“, Marianne Engel, Elisabeth Eberle, Annelies Štrba, Gerda Steiner & Jörg Lenzlinger, Judith Villiger, Lex Vögtli, Kunst im Trudelhaus, du 21 Aout au 18 octobre 2015, Baden.
Désormais la perception du paysage n’est plus celle d’un monde perçu ou d’un sujet percevant. Elle est devenue un rapport entre les deux avec divers intervalles de distance ou de proximité. La corporéité du monde comme la choséité de l’image se sont construits progressivement sur le sentiment d’une relativité de plus en plus grande par rapport à la production ou le re-production du paysage. Il faut renoncer à le saisir comme une totalité dans l’ordre de la connaissance. De même il convient de renoncer à croire à une métaphysique de la transparence. Pour autant une « certaine » vision de Paradis n’est pas exclue.
Judith Villiger, Lex Vögli et quelques autres artistes suisses le prouvent. Ils mettent l’accent sur la valeur du paysage, l’ordre et le désordre qu’il sous-tend ainsi que le type de réalité qu’il dévoile. Ils interrogent le pouvoir et les limites du « genre ». Il devient ici non plus copie mais révision du jardin d’Eden selon diverses perspectives iconoclastes. Elles mettent l’accent sur le hiatus qui existe entre un faiseur (et son incapacité à saisir la réalité puisqu’il retourne la passion du réel en passion des semblants) et le « vrai » artiste. Celui qui, en développant un langage propre, donne au paysage sa vraie nature rêvée loin des salamalecs en usage. L’art devient le moyen non pas d’atteindre le « réel » mais de dire quelque chose de son au-delà pour dénoncer les mensonges de l’ordre social, du religieux comme de l’art. Dans l’exposition il n’est plus question de multiplier le pastiche. Au besoin il convient d’y insérer du postiche. Souligner l’artificialité de toute représentation paysagère se crée par des ambiances qui sont autant de dérives plastiques à caractère critique ou ludique là où le paysage comme l’écrit Greenaway « nous regarde le regarder».
Jean-Paul Gavard-Perret
Images : Judith Villiger, Lex Vögli
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