Willy Spiller est l’un des plus grands photographes vivants. Le Zurichois prouve qu'en se concentrant simplement sur la surface des apparences naissent des mondes. Si bien qu'avec son regard, un tel artiste déchiffre dans cette exposition tout un pan du réel et ce au sein d'une perpétuelle ambivalence. Sous l'érotisme se sent le tragique, sous l'humour la déprime. Mais néanmoins reste dans toutes ces prises un New York populaire saisi avec une certaine élégance.
La comédie humaine est à nu mais le photographe ne la tourne jamais en ridicule. D'où l'importance d'un tel regard. Les narrations des événements de tous les jours ont ici comme décors les stations et trajets en métro, les danseurs du légendaire Studio 54 ou de la culture hip-hop dans les rues de "l'immonde cité". C'est une période qui à Manhattan laissait apparaître plus qu'aujourd'hui un monde interlope, fascinant, parfois cruel et absurde. Il faut aller aujourd'hui dans le Bronx ou à Newark pour le retrouver.
Se dégage l'empathie d'un tel regard et un art du cadrage qui tient bien plus des beaux arts que de la photographie documentaire. La vision de Willy Spiller est toujours plus complexe qu'il n'y paraît. D'où ce corpus exceptionnel d'un créateur de vie et de beauté. Et lorsque des collégiennes dans le métro relèvent leurs jupes, elles ne se soucient guère des regards. Les Lolita épousent l'étourdissement et le flux de la vie urbaine.
Jean-Paul Gavard-Perret
Willy Spiller: New York, 1977 - 1985", Bildhalle, Amsterdam, du 10 avril au 12 juin 2021
Les commentaires sont fermés.