25/02/2020
Fantômes que fantômes, de Lausanne à Bâle : Hélène Giannecchini
Ce livre est celui du deuil très particulier de celle qui enseigne la théorie de l'art contemporain. Il jaillit comme un grand Macabre érudit. Lausanne et Bâle entourent une des nombreuses catastrophes réunies dans ses pages. Celui du premier homme disséqué pour la science. Il permet de penser par son squelette le "corps mort" sujet de ce beau "roman".
En diverses strates, la narratrice - encerclée par les macchabées de proches mais pas seulement - regarde la mort en face en une autopsie maniaque et scrupuleuse. Le lien qui unit les vivants et les morts est analysée à travers des oeuvres d'art (celles de morgues d'Andrès Serrano par exemple), de textes adjacents. L'esthétique, la philosophie et la science créent un roman qui se situe à la frontière de l'intime et de l'essai.
Une femme ("La dame en vert") aide la narratrice de manière romanesque dans sa quête troublante et fascinante. Elle évoque non l'esprit des morts mais leur corps. Le livre met en face du désespoir dans une expérience esthétique et personnelle pour tenter de le maîtriser. Une telle expérience est remarquable : cérébrale et sensible, érudite et concrète, elle s'inscrit sous le sceau d'un don particulier et en un appel aux oeuvres mortifères évoquées. Elles sont nombreuses et poussent le lecteur à aller s'y référer pour devenir voyeur de ce qu'il est.
Jean-Paul Gavard-Perret
Hélène Giannecchini, "Voir de ses propres yeux", Librairie du XXIème siècle, Le Seuil, Paris, 2020.
09:58 Publié dans Culture, Femmes, Fiction, Suisse | Lien permanent | Commentaires (0)
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