06/01/2019
Yusuf Sevincli : noir d'y voir
Cinq ans après "Post", Yusuf Sevincli habille une nouvelle fois ses narrations d'une lumière noire. Preuve qu'il s'agit de la couleur propre à enrober le monde en mêlant la réalité et le songe, l'intimité et la scène de rue ou de ses tréfonds. Chaque cliché est un jaillissement d’écumes orageux ou voluptueux : y demeure une fontaine de vie prête à jaillir.
Aussi dilatées qu’elliptiques des ombres surgissent selon divers tracés. Elles font suer divers concepts et itinéraires établis dans la représentation de l'érotisme ou du quotidien. Le photographe turque l’ironise ou montre la haine ou l'amour que les êtres traînent derrière eux. Refusant d’incliner vers l’inféodation aux mâles, ses héroïnes démontent ce qui dans le réel - ici ou ailleurs - les blesse, annihile, étouffe.
Yusuf Sevincli avance dans la délivrance ou la séparation en un corpus à diverses entrées dangereuses pour l’ordre établi. A travers des successions de figures "brouillées" le photographe brise les illusions d’alouettes des esclaves consentantes ou non. Il crée un babil photographique féministe radical dont le grain possède une force franche, immédiate mais aussi poétique et à effet retour puissant. En une marche forcée surgissent des morceaux de réalité qui rejettent la stabilité visuelle là où se révèle la matière même de la représentation pour offrir une vision inédite.
Jean-Paul Gavard-Perret
Yusuf Sevincli, "Oculus', la Galerie des Filles du Calvaire., Paris, janvier 2019
09:13 Publié dans Femmes, France, Images, Jeux de mots, Suisse | Lien permanent | Commentaires (0)
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