20/11/2017
Deborah De Robertis : subversion, cran, écran
« Aujourd’hui encore je constate que mon point de vue intéresse toujours moins que mon sexe et ma production visuelle passe au second plan » écrit celle que l’on traite de pornographe et de provocatrice. Elle l’est - du moins en apparence -, mais reste avant tout une créatrice au vaste programme existentiel, politique et esthétique. Refusant toute rempart elle « sexepose » telle une reine d’Almodovar mais selon une économie moins libidinale qu’on ne le pense : exit les bibles du boudoir, les guides du plaisir sans tabou.
Bref l’artiste poursuit ses avancées. Au départ de sa nouvelle étape : un projet avorté. La galerie Kamel Mennour l’invita afin de poser pour un artiste qui cherchait un modèle féminin exposant son sexe. Elle refusa. En proposant à la place son film « Ma chatte mon copyright ». Mais le projet en resta là. Il n'en fut pas de même au musée de Gent. Mais à la simple présentation du film fut préférée une performance. Dès lors Deborah De Robertis a crée un nouveau dispositif de diffusion : son sexe dans lequel son film est projeté.
Il existe là toute une remise en cause du voyeurisme au sein même de ce qui en fait l’objet. Et l’artiste de préciser : « Ouvrir mon sexe, c’est ouvrir ma bouche, en ouvrant mon vagin je laisse parler mon travail. Ainsi, j’invite le spectateur à regarder mon sexe et le sexe de toutes les femmes autrement. ». Exhiber la nudité de manière frontale et fractale crée un regard sur le regard, là où l’affirmation du sexe se fait non « le regard baissé » mais avec ce que l’artiste nomme « un regard d’auteur ». En refusant de compromis par la présence de vérité en « live » face aux leurres des images muséales, l’artiste renverse le « jeu » des institutions : leurs images deviennent le contexte irinique qui entoure l’artiste.
Les curateurs du collectif "Young Friends SMAK" au Musée de la ville de Gent ont accordé toute liberté à Deborah De Robertis pour son dispositif afin de projeter son travail dans une installation créé avec son collaborateur (Miguel Soares-Gonçalves). Une fois de plus elle inverse donne et doxa institutionnelle, porte le ver dans le fruit, l’insinue dans les failles du système, le jeu. C’est aussi une manière de « répondre » à la question des Guerrilla Girls "Une femme doit-elle être nue pour être introduite dans un Musée ?"».
Comme elles et en poursuivant le chemin tracé par les performeuses du XXème siècle Valie Export et Annie Sprinkle, Deborah De Robertis revendique pour les artistes femmes une place qui leur est trop souvent refusée. Elle leur est accordée que si elles répondent aux attentes d’une loi implicite masculine et de la représentation qu’ils se font d’elles en tant qu’objet du plaisir.
L’artiste poursuit le combat au moment où elle reste en procès avec les plus grandes institutions muséales qui la craignent comme la peste. Elles ont raison : le performeuse la porte au sein de leurs palais afin que les choses changent.. A l’érotisme succède ici une vision qui n’annihile plus l’intelligence. Le regardeur ne peut plus se dérober face aux vagues d’une présence qui dépasse l’art tel qu’il le conçoit et que le musée lui offre en monnaie de singe. L’égarement, la gêne, la peur deviennent sans limite. Pour preuve : le musée l’interdit. Mais le Louvre fait "mieux" ou pire : il demande l'interdiction de la diffusion des images du film de Deborah... Lotta continua.
Jean-Paul Gavard-Perret
15:47 Publié dans Femmes, Images, Résistance | Lien permanent | Commentaires (1)
Commentaires
tres bien.
Écrit par : vittorio grilli | 20/11/2017
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