20/08/2017
Alice de Miramon et les rêveuses
Les femmes d’Alice de Miramon ne prennent pas facilement la mouche même si l’artiste en peint parfois une sur leur visage. Très sobrement vêtues, abondamment dévoilées, elles s’envolent pour sabrer l’azur ou se poser sur un ciel de lit. Elles restent néanmoins fines guêpes sans que puisse s’affirmer si ce qui leur reste de robe est faite de traits noirs sur fond jaune ou jaunes sur fond noir.
La peinture développe une étrange poésie du réel selon une forme de « narration » ramassée et allusive. Les corps se caressent mais l’artiste ne va pas plus loin. Pudique impudique elle se joue du voyeur. Se crée la distillation des amours nocturnes afin d’amarrer celles, plus claires, du lendemain matin. Car celui-ci, même lorsqu’il bâille, est saisi d’une éternelle insolation. Exit alors les morts emphatiques et les figures marmoréennes : en de telles rêveuses, la chair est juteuse, pulpeuse à souhait. Seules parfois, dans leur vacance, elles savent se procurer le frisson propice à chasser les idées noires qui deviennent hors saisons.
Les femmes s’embrasent comme les feux de la Saint Jean. Au voyeur, en sa maladie incurable, de rêver de poitrines opulentes. Dans des jardins d’Eden il peut se livrer à des passions coupables. La parade érotique est permanente. La chair des poulettes ne prend jamais froid le tout avec beaucoup d’humour aussi - toujours au second degré.
Alice de Miramon vagabonde et si ses femmes peintes s'ennuient parfois, elles savent errer, humer, goûter. Elles restent gourmandes, passivement intrépides, quittent des paysages familiers pour aller explorer des récifs. En un certain exotisme elles deviennent les primitives de leur propre futur. Fugueuses elles enlacent à leurs déferlantes. Avec de telles séraphines l’émoi serpente. Sirènes, leur chant fait gémir des marins animaux plus que des animaux marins. Méduses et mélusines elles s’offrent à la communion de leurs seins.
Jean-Paul Gavard-Perret
09:36 Publié dans Femmes, Images, Suisse | Lien permanent | Commentaires (0)
Les commentaires sont fermés.