05/12/2013
Du libertinage à la liberté : le féminin d’eros
Carolina Liebling, « Eros au féminin - 12 femmes artistes créatrices d'ex-libris érotiques », Editions Humus, Lausanne, 98 p.
L’historienne d’art Carolina Liebling dans « Eros au fémin » élargit sans cesse la perspective du dessin érotique. Elle montre comment après des siècles de confiscation il a fait retour grâce aux douze artistes qu’elle réunit afin d’illustrer son propos. : Natalija Cernetsova, Carla Di Pancrazio, Muriel Frega, Hanna T. Glowacka, Alexandra von Hellberg, Elena Kiseleva, Elly de Koster, Patricia Nik-Dad, Elzbieta Radzikowska, Lynn Paula Russel, Helga Schroth, Elfriede Weidenhaus. Chacune d’elles mériterait une histoire que la Lausannoise ne peut qu’ébaucher. Le livre fait surgir une musique moins dilatée qu’elliptique du corps au moment où son auteur croise les trajectoires de ses égéries saphiques de Lesbos. L’écriture savante devient le moyen de démultiplier la gravure et l'image dans les plaisirs cachés et la montée du désir solitaire ou partagé. L'érudition n'offre jamais ici une figure pédante. Il s'agit d'un mode de « compensation ». Il permet d’exprimer l'ineffable de la sensation.
Cet ineffable à savoir ce qui étymologiquement ne se parle pas et qui a été de plus socialement repoussé pose avant la question majeure : Qu'en est-il du désir féminin ? Les images se font l'écho de ce mystère du corps que l’art masculin biaisa pour sa propre économe libidinale. Du livre émerge les images enfouies. Elles font la part belle aux errances du corps et de l'inconscient. Par exemple sans le savoir une enfant sur son cheval trouve par le jeu l’accès à d’autres promesses. Elles opposent aux représentations sociales d’autres systèmes d'accouplement et d'empathie. Délivré de son carcan le féminin se retrouve tel qu’il est par delà « la basse de voix qui sépare les hommes à jamais du soprano des êtres qu’ils étaient avant que les submerge la grande marée du langage » (Quignard). Qu’importe si apparaît une prétendue " nuditas criminalis " qui dénoterait la débauche, l’absence de vertu. En elle se touche la fièvre et la gracile, la pudeur et l’impudique. Elle n’est plus le signe du sacrifice de l’intégrité du corps féminin mais son état de communication. Il révèle la quête d’une continuité possible de l’être au sein d’une communauté considérée il y a peu encore comme « inavouable ».
Jean-Paul Gavard-Perret
Les deux oeuvres présentées sont de Patricia Nik-Dad.
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