25/09/2013
Benjamin Vurlod : l’espace entres les mondes
Tout l’art digital du jeune créateur et entrepreneur de Vevey Benjamin Vurlod repose sur une ambition majeure : créer des « jeux » capables de proposer visuellement des courses errantes en des territoires inédits. Ils ouvrent des espaces-temps entres les mondes – ciel ou terre qu’importe. Combinat des formes, mélangeant divers proportions, se livrant à des calculs obsessionnels l’artiste atteint un lieu « intervalle » plus qu’interlope. Visiter son œuvre revient à être saisi, par la magie du virtuel, à des coloris surprenants et des rapprochements inédits où la gravité s’émet sous forme d’humour.
Des parallèles se résilient mollement, des collines prennent de nouvelles découpes. Tout un filtrage s’exerce à coup d’angles subsidiaires. La fixité comme le mouvement sont dictés par des lois où l’aridité procède du tact. Des points d’accroche et des instructions de broussailles emploient l’étendue à son renversement. Tout y coulisse selon de nouvelles conjectures. Elles donnent au plan une valeur opérationnelle.
La valorisation du surgi s’invente selon des procédures qui abrogent ou actualisent les vieilles structures de l’imaginaire. Plus que jamais celle-ci reste la folle du logis. Toutefois ses incartades sont essaimées par des interfaces capables de générer sous les fouillis des pixels une émotion coursive. Les œuvres tirent donc leur beauté d’un béta langage tout sauf « bêtabloquant » puisqu’il recèle pour le regardeur des énigmes non résolues et fait travailler autant son émotion que son intelligence.
Dès lors sous le sceau des fréquences numériques l’artiste fait du geek qu’il est un poète qui s’ignore peut-être. Car chez lui l’hybride immatériel génère des évidences qui ne le sont pas encore. A ce titre Benjamin Vurlod est donc bien poète mais aussi un magicien des codes et des algorithmes. En menant au mieux ses projets il décale la stabilité des choses et du réel dont l’ensemble paraît de plus en plus encombrant.
Aimant emboîter les unes dans les autres des aires de crispation l’image devient polyphonique et pose parfois de grandes questions sans (trop) en avoir l’air. Par exemple derrière une tête de mort se cache un crustacé : il est tout autant le crabe symbolique d’une maladie qu’on n’ose pas nommer. Mais dans de telles ambiances narratives se créent des modifications où le morbide devient hollywoodien.
L’artiste suisse trouve donc toujours un moyen de ne pas se laisser enfermer dans des schémas acquis. Si bien qu’insensiblement et sans qu’on y prenne garde l’œuvre devient une poétique en acte des théories digitales, un traité des couleurs et de l’imagination et du plus court chemin de la réalité au rêve. Et ce coup d’envers sous les reliefs, de vernis sous les gouttes, de carrés circulaires et de cercles en longueur.
Jean-Paul Gavard-Perret
Sur le « Digital Kingdom » de l’artiste : voir le site de son office : "Creativity Hunter".
09:23 Publié dans Culture, Images, Vaud | Lien permanent | Commentaires (0)
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