01/09/2013
Carolyn Heer entre inquiétude et apaisement
Carolyn Heer, exposition personnelle, Galerie de Grancy, Lausanne, du 3 septembre au 12 octobre 2013.
Les personnages de la Zurichoise d’adoption Carolyn Heer flambent sombrement dans une sorte de dernier (mais éternel) sursis. Ils sont en feu : ténébreux, mornes, lugubres mais somptueux. L’artiste sculpte leur misère mais les fait sortir du trou dont ils ne devaient jamais émerger. Dans ses peintures le propos est tout autre : le territoire est désert. Néanmoins il est soulevé par les couleurs. On commence à voir dans un espace sans temps qui ne craint plus aucune aube. Si bien qu’on pourrait affirmer que les êtres statufiés marchent sur une terre fixe. Ses couleurs éclairent l’esprit et rappellent peut-être celles où l’artiste est née. Dans son Nigéria natal même le noir projette la lumière dans une « contradictio in terminis ».
Une des forces de l’œuvre de Carolyn Heer est de métamorphoser un nombre restreint de formes, de les structurer, de les faire varier afin d’épuiser l’espace du purgatoire qu’elles suggèrent. L’œuvre est donc celle d’un dernier suspens de l’être. Il est représenté tel qu’il est : suspendu et figé. Il est aussi isolé par le besoin de voir, immobile dans le vide. C’est un être pur et non insomniaque fantôme. Quant à la terre, elle marque de son horizontalité une zone limite. Entre figuration et défiguration surgit une dynamique tridimensionnelle et bimensionnelle capables de suggérer un statisme particulier. Carolyn Heer crée une hypnose troublante et un maelström de rythmes. Nous touchons soudain par delà la pulsion scopique à la conscience primitive de l’être et de son sens.
L’artiste atteint le noyau dur d’une vie qui précède toute pensée et même tout travail psychique de liaison. La sculpture touche l’ineffable et l’essentiel. La peinture devient une prise de vision d’un champ intérieur et métaphysique à travers la fragilité de ses lignes de force et de ses couleurs. Dans les deux cas le spectateur peut entamer un dialogue silencieux avec lui-même. Il peut tout autant faire l’expérience vécue de l’angoisse ou du calme là où à travers des présences « pures » le silence se fait. Au bord de l’abyme une porte reste ouverte.
Jean-Paul Gavard-Perret
08:26 Publié dans Images, Suisse, Vaud | Lien permanent | Commentaires (0)
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